Ophtalmologue, chirurgie laser,
greffe de cornée, chirurgie de la cataracte
Paris, France & Fribourg, Suisse
Greffe de cornée
La greffe de cornée est la plus fréquente des greffes de tissus avec donneur en France. Près de 5 000 patients en bénéficient chaque année. Plus de 300 greffes de cornée sont réalisées chaque année à la Fondation Rothschild, à Paris.
Types de greffe de cornée
Vous devez bénéficier d’une greffe de cornée, que devez-vous savoir sur l’intervention ?
Les principales greffes de cornée :
Il existe plusieurs types de greffes de cornée dont les principales sont les suivantes :
· La greffe transfixiante qui remplace toute l’épaisseur cornéenne.
· La greffe lamellaire antérieure (DALK) où l’on remplace toute l’épaisseur cornéenne sauf une fine couche appelée endothélium cornéen.
· La greffe endothéliale (DMEK) dans laquelle on remplace uniquement une fine couche malade appelée endothélium cornéen.
Chaque type de greffe de cornée a son indication propre selon la pathologie cornéenne et la sévérité de l’atteinte :
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Dans plus de 60% des cas, seul l’endothélium cornéen est malade (dystrophie de Fuchs, Cornea Guttata ou décompensation endothéliale post chirurgie), une greffe partielle DMEK (Descemet Membrane Endothelial Keratoplasty) ou greffe endothéliale pure est alors indiquée.
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Dans 20 à 30% des cas, c’est la partie antérieure de la cornée qui est malade (comme dans le kératocône). Une greffe partielle lamellaire antérieure ou DALK (Deep Anterior Lamellar Keratoplasty) est alors indiquée.
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Lorsque la cornée est malade dans sa totalité, il est nécessaire de réaliser une greffe transfixiante.
Greffe partielle de cornée - DMEK
Cela fait plus de 100 ans que les premières kératoplasties transfixiantes ont été développées dans le but de remplacer les cornées opaques par des cornées claires de pleine épaisseur. Depuis le début des années 1990 les greffes transfixiantes ont été progressivement remplacées par de nouvelles techniques de greffes lamellaires, antérieures ou postérieures. Ceci est possible car la plupart des patients nécessitant une kératoplastie ne présentent qu’une atteinte d’une couche spécifique de la cornée ; par exemple, plus de 35% des patients opérés de greffes souffrent d’une atteinte endothéliale à type de dystrophie de Fuchs ou de kératopathie bulleuse du pseudophaque.
La première tentative pour réaliser une kératoplastie lamellaire postérieure (PLK) a été effectuée par Barraquer en 1950. Une approche antérieure était réalisée avec la découpe puis le soulèvement d’un capot cornéen permettant la trépanation postérieure. Un bouton lamellaire postérieur donneur était ensuite suturé in situ. Plusieurs termes ont été utilisés pour nommer cette technique : Keratoplastie lamellaire endothéliale (Jones et Culbertson), endokeratoplastie (Busin), Keratoplastie postérieure assistée par microkératome (Azar). Melles a modernisé la technique en réalisant en 1998 une PLK par voie postérieure en créant une incision scléro limbique pour accéder à l’endothélium du receveur.
Une autre évolution majeure fut la mise au point d’une technique de descemetorhexis permettant de retirer l’endothélium malade seul. Le nom de DSEK (Descemet Stripping Endothelial Keratoplasty) a alors été proposé. Le greffon du donneur était alors préparé manuellement par dissection depuis la cornée du donneur.
La préparation de la cornée du donneur a par la suite été automatisée et réalisée à l’aide d’un microkératome sur une chambre artificielle donnant lieu au terme de DSAEK pour Descemet Stripping Automated Endothelial Keratoplasty.
Ces techniques ont permis une réhabilitation visuelle avec un succès certain cependant, il restait une limitation à la reconstruction anatomique parfaite puisqu’une interface stromo-stromale d’épaisseur variable persistait et empêchait d’atteindre une acuité visuelle post-opératoire de 10/10 dans la majorité des cas.
La greffe de cornée partielle DMEK (Descemet Membrane Endothelial Keratoplasty) a été développée dans le but de restituer l’anatomie cornéenne. L’endothelio-Descemet seule est prélevée de la cornée du donneur pour être greffée à la face postérieure de la cornée du receveur.
Technique opératoire de la greffe partielle de cornée DMEK
Trois temps opératoires distincts sont individualisés pour la réalisation de la DMEK.
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Le premier temps de la greffe de cornée consiste en la préparation de l’endothelio-Descemet du donneur. La fine couche endothéliale est délicatement pelée du stroma postérieur de la cornée donneuse en évitant tout contact entre les instruments chirurgicaux et l’endothélium dans les 9 mm centraux (figure 1).
Figure 1: Pelage de l'endothelio-descemet du donneur après coloration au bleu trypan
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Puis un trépan de 9 mm est utilisé pour obtenir le greffon endothélial final qui s’enroule alors instantanément sur lui-même : les cellules endothéliales exposées vers l’extérieur du rouleau ainsi formé (figures 2, 3, 4 et 5).
Figure 2: Endothelial-descemetic roll après pelage. Les cellules endothéliales sont à l’extérieur du roll.
Figure 4: Présence de fibre d’élastine au sein de la membrane de Descemet
Figure 3: Caractéristiques de la membrane de Descemet et sa tendance à s'enrouler.
Figure 5: Nous pouvons comparer l'endothélio-Descemet à un tapis de bain où les petits cercles du tapis de bain représentent les cellules endothéliales. En chambre antérieure le greffon doit être orienté comme sur la photo de droite avec les cellules endothéliales qui font face à la chambre antérieure ( et non comme sur la photo de gauche (barrée par une croix rouge)
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Le deuxième temps de la greffe partielle de cornée comprend le retrait de l’endothélio-Descemet du receveur. Cela se fait sous une bulle d’air à l’aide d’un crochet de Sinskey inversé qui réalise un descemethorexis.
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Le troisième temps de la greffe partielle de cornée comporte l’injection et le positionnement du greffon sur la face postérieure du stroma du receveur. Le greffon est d’abord aspiré par une technique dite « no touch » dans un injecteur dédié, puis injecté en chambre antérieure à travers une incision de 3mm (figure 6,7).
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L’injection alternée de solution saline et d’air va permettre de dérouler le greffon et le positionner sur la face postérieure du stroma receveur (figure 7). L’aptitude du greffon de s’enrouler avec les cellules endothéliales vers l’extérieur est un indice important pour s’assurer en per-opératoire de la bonne orientation du greffon. Une bulle d’air est ensuite injectée pour remplir la chambre antérieure et plaquer le greffon sur la face stromale postérieure (figure 8). Elle est maintenue 30 minutes puis est évacuée à 50%.
Figure 6: Déroulement du greffon en chambre antérieure
Figure 7: Injection d'une bulle d'air sous le greffon
Les avantages de la greffe de cornée DMEK
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Un des principaux avantage “théorique” de la greffe partielle de cornée DMEK est une reconstruction anatomique pure dans le sens ou seul le tissu malade est remplacé par un tissu identique sain. En pratique, cela règle le problème sans en rajouter un autre, la courbure cornéenne n’est pas modifiée et il n’y a pas d’ajout de stroma additionnel. La greffe partielle de cornée DMEK restaure les caractéristiques physiques et fonctionnelles cornéennes.
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La greffe de cornée DMEK préserve l’intégrité du globe oculaire : l’intervention est réalisée à travers une micro-incision (3mm) similaire aux incisions de la chirurgie de cataracte. Cela n’entraine pas ou peu de dénervations cornéennes. De plus, la réfraction post-opératoire n’est pas modifiée, la chirurgie étant la plupart du temps réalisée sans point de sutures, il y a peu d’astigmatisme induit.
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La greffe partielle de cornée DMEK donne certainement le meilleur résultat visuel et de manière plus rapide que n’importe quel autre type de greffe : Selon les études, plus de 90% des yeux opérés atteignent une AV post-opératoire de 5/10 ou mieux et plus de 80% atteignent les 8/10 ou mieux. Il est exceptionnel que l’AV post-opératoire soit moins bonne que l’AV pré-opératoire ce qui en fait une chirurgie sûre.
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Les études rapportent un faible taux de rejet comparé aux autres techniques de greffes : Moins de 1% pour la DMEK, environ 8 % pour les DSAEK et dans les 20% pour les greffes transfixiantes.
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Les reprises sont possibles et aisées ; en cas d’échec primaire du greffon, il est possible de le remplacer.
La greffe endothéliale pure (DMEK) est donc certainement aujourd’hui la technique chirurgicale de choix pour les pathologies endothéliales. Le développement des OCT intégrés aux microscopes opératoires permet déjà la visualisation en direct de l’orientation du greffon et simplifie de manière significative l’intervention (figure 9 A et B).
Figure 8A: OCT intra-opératoire montrant le greffon inversé en chambre antérieure
Figure 8B: OCT intra opératoire montrant le greffon bien orienté en chambre antérieure
Pour en savoir plus sur les DMEK en vidéos ou les DMEK dans les cas complexes, visitez les pages dédiées en cliquant sur les liens.
Information patients - Greffe partielle de cornée - DMEK
Que dois-je savoir sur ma chirurgie? Greffe endothéliale pure: DMEK
Chirurgie de la greffe partielle de cornée DMEK :
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L’intervention se déroule en général sous anesthésie loco-régionale, en ambulatoire la plupart du temps.
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Il n’y a pas de douleur, ni pendant, ni après l’intervention.
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Il est nécessaire de rester allongé sur le dos les premières 30 minutes à 1 heure qui suivent l’intervention. Il est également important de dormir sur le dos la première nuit.
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En cas de douleur intense, il faut prévenir le personnel soignant. Une élévation de la pression de l’œil est une complication rare de l’intervention qui entraîne une douleur à la tête et autour de l’œil. Un examen est alors nécessaire et un traitement spécifique est mis en place afin d’atténuer la douleur et de diminuer la pression intra-oculaire.
Premier jour après la chirurgie de la greffe partielle de cornée DMEK :
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Le premier jour post-opératoire, un examen ophtalmologique permet de vérifier la bonne position et la bonne adhérence du greffon.
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A ce stade, il est possible de ressentir des picotements ou des sensations de grains de sable sans réelle douleur.
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La vision est encore trouble.
Première semaine après la chirurgie de la greffe partielle de cornée DMEK :
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Pendant la première semaine post-opératoire, les sensations de grains de sables vont progressivement s’atténuer. Un traitement post-opératoire à base de gouttes oculaires est à respecter (en général 4 à 6x par jour pour le premier mois). L’acuité visuelle s’améliore lentement. Un contrôle ophtalmologique permet de confirmer la bonne adhérence du greffon. En cas de décollement périphérique du greffon (3 à 20% des cas), il peut être nécessaire de le réappliquer. Cela ne nécessite pas, dans la majorité des cas, une reprise au bloc opératoire mais une intervention qui peut être réalisé lors de la consultation.
Premier mois après la chirurgie de la greffe partielle de cornée DMEK :
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L’acuité visuelle est bien améliorée et va continuer à progresser jusqu’à 6 mois post-opératoire.
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Le traitement post-opératoire doit être poursuivi, notamment les gouttes antirejet.
Information patients - Greffe partielle de cornée - KLAP
L'intervention greffe partielle de cornée KLAP
· L’intervention greffe de cornée KLAP se déroule sous anesthésie générale dans la majorité des cas
· Après l’intervention, un pansement et une coque en plastique couvrent l’œil.
· Il n'y a pas de douleur post-opératoire mais une sensation de corps étranger permanente les premières 24h.
· En cas de douleur intense, il faut prévenir le personnel soignant. Une élévation de la pression de l’œil est une complication rare de l’intervention qui entraîne une douleur à la tête et autour de l’œil. Un examen est alors nécessaire et un traitement spécifique est mis en place afin d’atténuer la douleur et de diminuer la pression intra-oculaire.
Premier jour après la chirurgie greffe partielle de cornée KLAP
· Le premier jour post-opératoire, le pansement est retiré et un examen ophtalmologique permet de vérifier le greffon et les points de sutures.
· Il est normal d’avoir des picotements, une sensation de grain de sable dans les yeux et des larmoiements. Il est aussi normal d’avoir du mal à ouvrir les yeux.
· A ce stade, la vision est encore très trouble.
Première semaine post-opératoire greffe partielle de cornée KLAP
· Pendant la première semaine post-opératoire, les sensations de grains de sables vont progressivement s’atténuer.
· Un traitement post-opératoire à base de gouttes oculaires est à respecter (en général 4 à 6x par jour pour le premier mois).
· Un contrôle ophtalmologique permet de confirmer la bonne cicatrisation du greffon. La vision est encore trouble et ne va s’améliorer que progressivement à partir du premier mois.
Premier mois post-opératoire greffe partielle de cornée KLAP
A ce stade, il n’y a peu de gêne, pas de douleur.
L’acuité visuelle est améliorée.
Le traitement post-opératoire doit être strictement poursuivi, notamment les gouttes antirejet.
La vision se stabilise au bout de quelques mois mais la présence des points de suture engendre en général un astigmatisme qui gêne la vision. Le retrait des points de suture se fait progressivement à partir du 9ème au 12ème mois.
Greffe partielle de cornée - DMEK en videos
Greffe de partielle de cornée DMEK, une vrai révolution dans le monde des kératoplasties - Prix du meilleur film (2ème) de la Société Francaise d'Ophthalmologie. Cette vidéo retrace rapidement l'évolution de la greffe de cornée et l'avènement de la greffe endothéliale pure (DMEK) pour les dystrophie de Fuchs et autres décompensations endothéliales.
Greffe partielle de cornée DMEK: Une chirurgie non éditée (déroulement du greffon) de la période d'apprentissage. Il est important de maîtriser la préparation / pelage du greffon endothélial même si à l'avenir, cet étape sera sans doute réalisée dans les banques d'yeux. Le déroulement du greffon implique une gestion précise de la fluidique intracamérale, chaque mouvement / injection ayant une répercussion directe sur le greffon endothélial.
Greffe partielle de cornée DMEK: L'intégration de la technologie OCT (Optical Coherence Tomography) dans les microscopes chirurgicaux (ici un microscope RESCAN) a rendu plus sûre la chirurgie surtout lorsqu'elle est réalisée à un stade avancée avec des œdèmes de cornée sévères limitant la visualisation. Ici une des premières chirurgies réalisées avec cette technologie permettant la vérification de l'orientation du greffon endothélial en direct à l'OCT.
Greffe partielle de cornée DMEK: La principale difficulté de la chirurgie de greffe endothéliale DMEK est le déroulement du greffon en chambre antérieure. Cette étape est désormais bien standardisée et il existe des techniques particulières à appliquer selon la configuration du greffon endothélial en chambre antérieure.
Greffe partielle de cornée et implant de chambre antérieure
Les principales indications de la greffe de cornée DMEK (Descemet Membrane Endothelial Keratoplasty) restent les œdèmes cornéens « simples » secondaires à la dystrophie de Fuchs ou ceux du pseudophaques. Cependant, les indications se sont aujourd’hui bien élargies et incluent aussi bien les anciennes greffes transfixiantes décompensées, les Descemet Stripping Automated Endothelial Keratoplasty (DSAEK) qui n’ont pas bien fonctionnées ou les yeux plus complexes, vitrectomisés, aphaques, antécédents de chirurgie du glaucome, ou même en cas de fibrose stromale antérieure ou postérieure. Si la chirurgie est plus complexe dans ces dernières indications, les résultats peuvent être spectaculaires.
L'intégrité du segment antérieur est un élément important à considérer en pré-opératoire, puisque son atteinte peut compliquer le geste technique. Cela suppose que la chambre antérieure soit présente et qu’il existe un iris fonctionnel séparant le segment antérieur du segment postérieur. Ces éléments sont importants afin de pouvoir réaliser une DMEK dans de bonnes conditions, en minimisant les risques peropératoires. Le déroulement du greffon endothélial dans la chambre antérieure est parfois effectué en apposant le greffon sur l’iris, et l’absence de ce dernier peut conduire au passage du greffon endothélial dans le vitré.
Lorsqu’une greffe endothéliale est indiquée, la constatation d’une kératopathie bulleuse en présence d’un implant de chambre antérieure soulève plusieurs interrogations:
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Faut-il réaliser une DMEK qui peut être techniquement difficile en présence d’un implant de chambre antérieure et d’un œdème cornéen sévère limitant la visualisation? Ou bien est-il préférable de réaliser une DSAEK (Descemet Stripping Automated Endothelial Keratoplasty) « garantissant » une acuité visuelle post-opératoire acceptable et des risques opératoires moins importants.
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Faut-il retirer l’implant de chambre antérieure et le remplacer par un implant fixé à la sclère ?
Il est actuellement difficile d’apporter une réponse consensuelle à ces questions et l’expérience de chaque praticien pèse certainement dans la décision, qui doit se faire au cas par cas.
L’équipe de Melles a montré que la DMEK pouvait être réalisée en présence d’un implant de chambre antérieure et que la perte de cellules endothéliales à 6 mois n’était pas plus importante comparée à une DSEK sur implant de chambre antérieure. Techniquement, la chirurgie est donc réalisable et notre expérience concorde avec les résultats des travaux de Melles.
A la première question, celle du choix entre DMEK ou DSAEK en présence d’un implant de chambre antérieure, la réponse à apporter paraît donc relativement simple: il faut préférer la DMEK si elle est bien maitrisée puisque celle-ci pourra donner la meilleure acuité visuelle, d’autant qu’en DSAEK, et selon l’épaisseur du greffon, l’endothélium cornéen se retrouve plus proche de l’implant de chambre antérieure, avec donc un risque de décompensation secondaire plus rapide.
Cependant, la seconde question est également d’importance: est-il judicieux de renouveler l’endothélium cornéen alors que la cause de la décompensation endothéliale (l’implant de chambre antérieure) est toujours en place ? Pour y répondre, il est nécessaire de différencier :
a) les kératopathies bulleuses survenant sur de « vieux » implants de chambre antérieure d’un patient pseudophaque âgé qui avait bénéficié d’une chirurgie de cataracte compliquée il y a plus de 15 ou 20 ans, et dont l’endothélium a fini par décompenser.
b) les kératopathies bulleuses du sujet phaque jeune, qui avait bénéficié il y a moins de 15 ans de la pose d’implant de chambre antérieur à visée réfractive.
c) la présence d’autres complications causées par l’implant de chambre antérieure telles que l’hypertonie oculaire (HTO) ou bien le glaucome.
En présence d’un implant de chambre antérieure entraînant une HTO et/ou une kératopathie bulleuse chez le sujet jeune, il est préférable de retirer l’implant et d’effectuer une greffe endothéliale pure. Le potentiel visuel est en général bon car la fonction visuelle est préservée, et la présence d’un implant de chambre antérieure risquerait de compromettre la survie du greffon à long terme, d’où la nécessité de le retirer.
Lorsqu’un sujet âgé (>75 ans) se présente avec une kératopathie bulleuse et un implant de chambre antérieure, il est important de se renseigner sur la date de début de la symptomatologie. Si l’implant est en place depuis plus de 20 ans et que la gêne visuelle a débuté il y a quelques mois, la question du maintien de l’implant est légitime. En effet le retrait de l’implant nécessite souvent une incision large, et la pose de points de suture. L’astigmatisme qui en découle peut affecter le résultat visuel de manière significative. De plus le retrait de l’implant doit s’accompagner de la pose d’un implant fixé à la sclère et cette intervention est délicate, surtout dans des conditions de mauvaise visualisation
Chez ces patients dont l’endothélium natif a « toléré » la présence d’un implant en chambre antérieure pendant plus d’une dizaine d’année, la survie du greffon semble une hypothèse plausible, à condition que le pool de cellules endothéliales apporté soit suffisant pour permettre l’obtention d’une cornée claire pour une longue durée.
Inversement, plusieurs études ont montré la survenue d’une perte endothéliale au long cours plus importante chez les sujets ayant bénéficié d’une DSAEK en présence d’un implant de chambre antérieur vis à vis d’une DSAEK avec un implant dans le sac capsulaire, et il est judicieux d’extrapoler ces résultats à la DMEK. Pour cette raison, le maintien de l’implant en chambre antérieur doit rester réservé à des indications précises, lorsque la morbidité d’une chirurgie lourde contrebalance la durée de vie nécessaire du greffon.
Exemple: DMEK en présence d’un implant de chambre antérieure en images
Patient âgé de 70 ans, opéré en 1983 d’une cataracte bilatérale avec pose d’implant de chambre antérieure.
Meilleure Acuité Visuelle Corrigée au 04/07/2013:
OD: Compte les Doigts
Pachymétrie centrale OD: 740 microns
LAF: Œdème cornéen sévère à l’OD avec ICA à appui angulaire OD
DMEK en décembre 2013: déroulement du greffon endothélial dans la chambre antérieure. Il est parfois difficile dans ces yeux de dérouler le greffon par une technique classique "no touch". Ici déroulement du greffon en insérant une canule dans le roll endothélial. L'injection de BSS sur les cotés permet le déroulement du greffon. L'utilisation d'une canule spéciale (Geuder, DMEK unfolder cannula) ou d'une technique C-Press peut faciliter la réalisation de ce geste.
Janvier 2014 : MAVC OD: 4/10 ; Cornée claire; pachymétrie centrale : 539 microns
Novembre 2014 : MAVC OD : 8/10 ; Cornée claire (à droite en haut); pachymétrie centrale : 544 microns (à droite en bas) ; microscopie spéculaire : 1728c/mm2 (à gauche en bas).
Déroulement du greffon endothélial par C-Press technique en présence d'un implant de chambre antérieure
Ici déroulement du greffon par une technique C-Press:
Sur la vidéo de gauche, insertion d'une canule à l'intérieur du greffon (après vérification de la bonne orientation du greffon) par l'incision principale. Il n'est habituellement pas conseillé d'utiliser l'incision principale pour manipuler le greffon par peur d'expulsion du greffon, mais sur un œil vitrectomisé (comme dans ce cas, avec un implant de chambre antérieure), ce risque est très faible. En parallèle, utilisation de la main gauche pour appuyer sur la cornée (Cornea Press) et maintenir le greffon ouvert. Les images OCT (à droite) montrent bien cette étape avec la cornée qui s'invagine en chambre antérieure et empêche le greffon de se ré-enrouler. L'appuie sur la cornée doit être suffisant pour empêcher le ré-enroulement du greffon mais pas trop fort afin de limiter le contact entre le greffon et l'implant (ici visible légèrement sur les images OCT).
Ablation d'un implant de chambre antérieure, implantation secondaire fixée à la sclère (Yamanee) et DMEK - Triple procédure
Lorsque l'implant de chambre antérieure (ICA) est récent, chez un sujet jeune, et qu'il est directement la cause de la décompensation endothéliale, il peut être judicieux de procéder à son retrait avant la chirurgie DMEK. Dans ce cas, il est recommandé de procéder dans un premier temps au retrait de l'ICA et à la greffe endothéliale DMEK et de prévoir la chirurgie d'implantation dans un second temps opératoire.
En effet, le staging des interventions limite les risques per et post-opératoire et augmente le taux de réussite. Cependant, pour des raisons d'ordre pratique, il est parfois nécessaire de réaliser une triple procédure (retrait d'ICA, implantation fixée à la sclère et DMEK) dans le même temps opératoire. Dans la vidéo ci-dessus, la technique Yamanee d'implantation secondaire fixée à la sclère après le retrait de l'ICA.
Dans ce cas précis, en présence d'une pupille asymétrique et en semi mydriase, il est préférable de réaliser une pupilloplastie afin de se mettre dans les meilleures conditions pour réaliser la chirurgie DMEK, et diminuer le risque de luxation du greffon dans la cavité vitréenne. De plus, la pupilloplastie limite les phénomènes de photophobie post-opératoire.
La DMEK est ensuite réalisée (vidéo ci-dessous) et la technique C-Press est ici utilisée pour dérouler le greffon. L'implant fixé à la sclère reste stable malgré l'appuie sur la cornée et, dans notre série, aucun cas de luxation d'implant n'a été déploré durant ces triples procédures. Après s'être assuré de la bonne orientation du greffon, une canule est insérée dans le greffon tandis qu'une deuxième appuie sur la cornée afin d'aplatir artificiellement la chambre antérieure.
Descemethorhexis simple sans greffe
Qu'est ce qu'un Descemethorhexis simple (DWEK Descemthorhexis Without Endothelial Keratoplasty)?
Un Descemethorhexis simple consiste à retirer un certain diamètre central de la membrane de Descemet du patient receveur sans greffer un endothélium et une membrane de Descemet d’un donneur. L’idée derrière cette approche est venue de plusieurs constatations lors du suivi des patients ayant bénéficié de greffes endothéliales pures DMEK (Descemet Membrane Endothelial Keratoplasty).
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D’abord il a été noté dans le post-opératoire précoce que l’éclaircissement cornéen était plus rapide en périphérie par rapport au centre cornéen.
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Ensuite, et en présence d’un décentrement post opératoire du greffon endothélial, la zone vierge de cellules endothéliales (entre les bords du descemethorhexis et les bords du greffon) s’éclaircissait relativement rapidement et il ne persistait pas d’œdème à ce niveau.
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Enfin dans les cas de DMEK incomplètes avec impossibilité per opératoire de positionner et/ou de dérouler le greffon endothélial, le lit stromal nu, (vierge de Descemet du fait du descemethorhexis) s’éclaircissait spontanément dans certains cas avec absence d’œdème résiduel. Ce résultat surprenant survenait lorsque l’indication opératoire était une dystrophie de Fuchs mais jamais lorsqu’il s’agissait d’une kératopathie bulleuse.
Physiopathologie de la « dystrophie » de Fuchs:
Comment expliquer de tels résultats ? Pour obtenir des éléments de réponse, il est nécessaire d’essayer de comprendre certains aspects de la physiopathologie de la « dystrophie » de Fuchs et de la cicatrisation endothéliale.
La physiopathologie de la « dystrophie » de Fuchs est peu connue, mais une mutation génétique associée à des facteurs environnementaux semblent être à la base de la maladie. De rares mutations ont été identifiées (SLC4A11, TCF4, TCF8, CLU, LOXHD1) sans pour autant qu’elles soient présentes chez tous les patients atteints. De ce fait, dans la majeure partie des cas, la « dystrophie » de Fuchs n’est pas causée par une mutation génétique précise, mais plutôt par un mécanisme de défense défectueux face au stress oxydatif qui peut provenir du rayonnement ultraviolet, des changements de température, ou de l’humeur aqueuse. Face à un stress oxydatif permanent dépassant les mécanismes de défense des cellules endothéliales (plus fragiles en présence d’une dystrophie de Fuchs), ces dernières deviennent séniles et meurent par apoptose. Le centre cornéen est le plus sujet au stress oxydatif, d’où les atteintes centrale à un stade précoce de la maladie. Il n’est cependant pas encore prouvé que ce même stress oxydatif soit la cause direct des gouttes visibles dans les « dystrophies » de Fuchs.
Face au stress oxydatif et à l’apoptose cellulaire et jusqu’à récemment, toutes les études s’accordaient à dire que les cellules endothéliales n’avaient pas de potentiel régénératif mais que le defect était comblé par un élargissement et une migration des cellules adjacentes. De nouvelles études remettent en cause ce précepte et ont suggéré que des cellules souches endothéliales sont bien présentes à la périphérie cornéenne et qu’elles pouvaient remplacer des cellules mortes par migration centripète. Ce mécanisme de cicatrisation pourrait être défectueux dans la « dystrophie » de Fuchs avec la présence des gouttes endothéliales qui formeraient une barrière physique à la migration des cellules souches endothéliales. De ce fait l’unique moyen de combler le vide laissé par l’apoptose cellulaire centrale dans un Fuchs est l’élongation des cellules adjacentes.
A partir de ces éléments de physiopathologie, il est aisé d’imaginer que le retrait de la barrière physique créé par les gouttes dans les « dystrophies » de Fuchs (descemethorhexis) devrait permettre aux cellules endothéliales périphériques (souches ?) de l’hôte de migrer et de coloniser la surface cornéenne postérieure laissée vierge. Cela remettrait en question l’appellation même de la « dystrophie » de Fuchs, le terme dystrophie signifiant une pathologie cellulaire irréversible, alors que la clinique semble prouver une réversibilité possible dans certains cas.
Face à ces principes théoriques, des travaux cliniques sont venus corroborer ou infirmer les hypothèses énoncées. Ainsi dans la série de Descemethorhexis simple présentée par Colby et al, 25% des cornées ne se sont pas éclaircis et ont nécessité par la suite une greffe endothéliale. Les autres patients avaient une cornée claire entre 1 et 3 mois post opératoire et une acuité visuelle mesurée à 10/10. De ce fait, la difficulté aujourd’hui consiste à pouvoir évaluer en pré-opératoire les facteurs prédictifs d’un bon résultat afin d’intervenir uniquement sur les « bons » candidats.
Dès janvier 2015, cinq patients ont bénéficié de ce traitement à la Fondation Rothschild, à Paris. Ils présentaient une dystrophie de Fuchs et un œdème cornéen modéré associés ou non à une cataracte cortico-nucléaire. Une chirurgie combinée de cataracte lorsqu’elle était nécessaire et un descemethorhexis central ont été effectués. Les figures 1 et 2 montrent l’amélioration de l’état cornéen en parallèle de la récupération de l’acuité visuelle. Plus d’un an après, les cornées sont toujours parfaitement claires avec un bagage endothélial acceptable. L’acuité visuelle chez 4 des 5 patients est à 10/10 à 6 mois post-opératoire (pré-opératoire entre 1 et 3/10). Le cinquième patient a présenté une acuité visuelle mesurée à 4/10 à 4 mois post descemethorhexis avec une amélioration visuelle très lente. L’indication d’une DMEK a été posée et la chirurgie a permis de récupérer 9/10 d'acuité visuelle.
Image à la lampe à fente de l’œdème cornéen central en post-operatoire précoce (en haut) et de la cornée claire en post-opératoire tardif (à droite, 6 mois post descmethorhexis). Nous pouvons visualisez sur l’image de droite les limites du rhexis Descemetique.
Vidéo d'un descemethorhexis simple sous OCT. La taille de ce descemethorhexis doit être d'environ 4mm en prenant bien soin de ne pas léser le stroma postérieure afin de permettre sa colonisation pas des cellules endothéliales périphériques.
OCT 1 semaine après un Descemethorhexis montrant un œdème cornéen sévère (à gauche) et 3 semaines plus tard montrant une légère diminution de l’œdème.
OCT, 6 semaines après un Descemethorhexis avec une diminution importante de l’œdème cornéenne. Il persiste un léger œdème paracentral (à gauche) et à droite, OCT 1 an apès le descemethorhexis montrant une cornée d’épaisseur normale.